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Denis Diderot
(1713-1784)
Célèbre pour l'Encyclopédie qu'il a mise au point avec d'Alembert. Cette encyclopédie se voulait un « dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers ». Rousseau et Voltaire notamment y ont participé.
La pensée politique de Diderot :
Dans son article sur l'autorité, il écrit qu'« aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres ». A l'exception de l'autorité paternelle (qui trouve son origine dans la nature selon lui et qui est limitée dans le temps - elle cesse une fois que les enfants sont capables de se prendre en main), les autres formes d'autorité résultent soit de la force soit du consentement.
« La vraie et légitime puissance » ne saurait être sans limites (Diderot condamne la philosophie hobbienne). Il affirme que le prince tenant son autorité de ses sujets ne peut remettre en question le contrat d'où elle provient. L'Etat n'est pas fait pour les Princes, mais les Princes pour l'Etat. Le Prince ne peut pas disposer de son pouvoir et de ses sujets sans le consentement de la nation et indépendamment du choix marqué dans le contrat de soumission. « En un mot, la Couronne, le gouvernement et l'autorité publique sont des biens dont les corps de la nation sont propriétaires et dont les princes sont les usufruitiers, les ministres et les dépositaires. Quoique les chefs de l'Etat, ils n'en sont pas moins membres, à la vérité les premiers, les plus vénérables et les plus puissants, pouvant tout pour gouverner, mais ne pouvant rien légitimement pour changer le gouvernement établi, ni pour mettre un autre chef à leur place.»
Diderot fait l'éloge de la monarchie henricienne, cite abondamment le discours prononcé par Henri IV lors de l'assemblée des notables en 1596 où le roi fait figure de père attentif aux doléances de ses enfants. Il reconnaît aux princes le droit de faire parfois preuve d'autorité à condition qu'ils ne perdent pas de vue le caractère synallagmatique du contrat social : ils doivent veiller à ce que la nature du gouvernement reste conforme à ce qui a été convenu dans le contrat. La vision du rapport de force politique de Diderot est assez proche de celle des réformés : « si jamais il leur (les sujets) arrivait d'avoir un roi injuste, ambitieux et violent », il conviendrait de n'opposer au malheur d'une telle situation que la soumission et les prières, parce qu'il s'agit du seul remède conforme au contrat de soumission juré au prince.
Cependant, il est possible que cette plate apologie de la monarchie lui ait été dictée par la prudence (en effet il avait déjà été incarcéré au donjon de Vincennes).
Diderot était fasciné par Catherine II, tzarine de Russie, animée d'un vif intérêt pour la philosophie (« Comme elle a bien coupé les lacets de mon âme ! »). En 1774 il gagna la Russie avec enthousiasme, enthousiasme qui se dissipa assez rapidement au vu de la politique de l'impératrice : il espérait qu'elle donne à son pays des institutions libres et elle se contentera de masquer son despotisme éclairé derrière un changement institutionnel uniquement terminologique. Les peuples placés sous son autorité qui étaient appelés « esclaves », deviennent ses « sujets », mais rien dans le condition ne change. Une commission composée de représentants des notables propriétaires est créée mais elle n'a pas son mot à dire sur la guerre, la politique et les finances. Et l'impératrice de se justifier devant Diderot : « Vous, vous ne travaillez que sur le papier qui souffre tout,… tandis que moi, pauvre impératrice, je travaille sur la peau humaine qui est bien autrement irritable et chatouilleuse ».
Le véritable intérêt politique de Diderot tient à une vision corrosive de la société : dénonciation de la toute-puissance de l'argent, athéisme, rejet des pratiques de la religion sous leur forme conventuelle, en faveur de l'enseignement élémentaire gratuit pour tous.
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